Le divorce de l'entrepreneur : Maître LEBEL, avocat sur Lille vous conseille
Le divorce de l'entrepreneur pose un certain nombre de difficultés et/ou questions qui nécessitent un règlement spécifique : statut du conjoint qui a travaillé dans l'entreprise, évaluation de l'entreprise,
existence d'un compte courant d'associé, nature des résultats de l'entreprise et droit à récompense, gestion de l'entreprise durant la période de crise...
Aurélie LEBEL, avocat spécialiste en droit des personnes, de la famille et du patrimoine, et toute son équipe à Lille, se sont spécialisées dans
les divorces de chef d'entreprise et les liquidations et partages complexes.
Le statut du conjoint de l’entrepreneur
L'article L. 121-4 du code de commerce pose le principe du choix obligatoire d'un statut pour le conjoint du chef d'entreprise qui travaille dans l'entreprise familiale, qui peut être celui de conjoint collaborateur, de conjoint associé ou de
conjoint salarié.
Le conjoint peut être associé s’il détient directement des droits sociaux dans la société pour :
- y avoir souscrit à la constitution, à une augmentation de capital par apport en numéraire, en nature ou en industrie de ses fonds propres,
- avoir revendiqué sa qualité d’associé dans le SARL ou dans la société de personnes,
- avoir bénéficié d’un plan de stock-options, d’attribution d’actions de l’entreprise qui l’emploie,
- s’être vu attribuer par son époux des droits sociaux pour avoir plusieurs associés dans des sociétés autres que SASU ou EURL ou même pour être gratifié ou par souci de montrer au conjoint qu’il « compte », mais sans qu’il ait financé les droits…
Dans le cadre d'une procédure de divorce, les négociations porteront sur :
- sa sortie avec la valorisation des droits, l’éventuelle question d’une libéralité (qui sera examinée tout à l’heure),
- ou son maintien dans l’entreprise si les relations sont apaisées et que le chef d’entreprise ne voit pas d’inconvénient, ou au contraire si les relations sont tendues mais que le conjoint est minoritaire donc sans pouvoir de décision ou de délibération, donc le chef d’entreprise préfère le maintenir que de lui payer ses droits.
Le chef d'entreprise déclare le statut choisi par son conjoint auprès des organismes habilités à enregistrer l'immatriculation de l'entreprise. Seul le conjoint collaborateur fait l'objet d'une mention dans les registres de publicité
légale à caractère professionnel.
La définition du conjoint collaborateur, les modalités selon lesquelles le choix de son statut est mentionné auprès des organismes visés au IV et les autres conditions d'application du présent article sont fixées
par décret en Conseil d'Etat. Aucune sanction n'est prévue si le chef d'entreprise dont le conjoint travaille avec lui n'a pas exercé son choix. Il revient au chef d'entreprise lui-même (et non à son conjoint) de procéder
à une déclaration de l'option choisie par le conjoint auprès du centre de formalités des entreprises compétent. Able du délit de travail dissimulé.
Attention car le divorce n’est pas un motif valable de licenciement. Il faudra donc trouver un motif lié à l’exécution du contrat de travail.
Le conjoint collaborateur est défini comme « le conjoint d'un chef d'une entreprise commerciale, artisanale ou libérale, qui exerce une activité professionnelle régulière dans l'entreprise sans percevoir de rémunération
et sans avoir la qualité d'associé au sens de l'article le 1832 du code civil » (C. com., art. R. 121-1). Le statut de conjoint collaborateur n'est plus seulement réservé à celui qui travaille auprès du chef d'une
entreprise individuelle. Il peut être revendiqué, dans certaines conditions, en cas d'activité exercée au sein d'une structure sociétaire.
Le conjoint collaborateur ne perçoit aucune rémunération au titre de l'activité qu'il déploie au sein de l'entreprise familiale ; toutefois, il se voit reconnaître un certain nombre de droits sociaux. En particulier,
il est affilié personnellement au régime d'assurance vieillesse des travailleurs non-salariés, afin qu'il se constitue des droits propres, au titre de la retraite de base, de la retraite complémentaire et du régime invalidité-décès.
Le conjoint sans statut : ’immixtion du conjoint à l’activité professionnelle de l’autre peut donner lieu à plusieurs revendications ou risques :
- Société créée de fait avec une évaluation difficile des droits du conjoint (qui peut d’ailleurs se cumuler avec le statut de conjoint collaborateur Cass com 10 juillet 2017 Jurisdata 2007-040260) ;
- Travail dissimulé avec un risque pénal et social ;
- Créance entre époux au titre de l’enrichissement pour l’époux séparé de biens, soit par l’évaluation sur le principe du profit subsistant (plus-value prise par le bien) (1469 et 1543 du Code civ il) , soit par le calcul de la rémunération différée représentant l’appauvrissement du demandeur ;
Le compte courant de l’entrepreneur
En l'absence d'une définition légale des comptes courants d'associés, une réponse ministérielle permet d'appréhender cette notion : “l'apport en compte courant consiste pour l'associé à consentir à
la société des avances ou des prêts en versant directement des fonds ou en laissant à sa disposition des sommes qu'il renonce provisoirement à percevoir” (Rép. min. n° 34969 à M. de Cuttoli : JO Sénat
Q, 23 oct. 1980, p. 4001).
Les comptes courants d'associés concernent des prêts émanant d'associés, quelle qu'en soit l'origine : fonds déposés ou sommes laissées en compte dans la société (rémunérations, dividendes, jetons
de présence...). "Apport en compte courant", " ; comptes courants d'associés". L'apport en compte courant se distingue de l'apport en capital, notamment en numéraire en ce qu'il ne donne pas lui à attribution de droits sociaux.
Exemple : Les associés d’une SCI qui payent personnellement le prêt contracté pour l’acquisition du DC et les charges et taxes. Les associés d’une société commerciale qui concèdent des avances de trésorerie
ou font des apports à la constitution qui ne donnent pas lieu à émission de droits sociaux. Attention : les comptes courants débiteurs sont interdits. La société ne peut avoir pour objet social de prêter de l’argent
à ses associés.
Ces comptes courants sont à prendre en compte dans la liquidation et le partage des biens du couple.
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Les époux, dont l’un au moins est chef d’entreprise ou entrepreneur, doivent anticiper.
Beaucoup de chefs d’entreprises sont mariés sous le régime légal de la communauté de biens réduites aux acquêts, faute d’avoir fait le choix d’un régime conventionnel :
- Le fonds libéral crée pendant le mariage est un bien commun en valeur (ex. le droit de présenter une clientèle) mais dont le titre reste propre à l’époux exerçant la profession.
- La jurisprudence l’a étendu aux parts sociales non négociables (sociétés de personnes – SARL) souscrites par un époux avec des fonds communs
- Les bénéfices et dividendes provenant de parts sociales acquises durant le mariage, que l’époux associé perçoit durant l’indivision post-communautaire sont des fruits accroissant l’indivision..
- La qualité d’associé (le titre) ne relève pas de l’indivision post-communautaire. Il en a déjà été déduit que l’époux titulaire des parts pouvait librement les céder durant cette période
(Cass. 1e civ. 12-6-2014 n° 13-16.3009FS-PBI : RJDA 10/14 n° 755) et que, lors du partage, il en était nécessairement l’attributaire, à charge d’en indemniser son conjoint (Cass. 1e civ. 4-7-2012 n° 11-13-384FS-PBI
: BPAT 5/12 inf. 246, D. 2012 p. 2476 note V. Brémond, M. Nicod, J. Revel)
- en revanche, la valeur des parts (la finance) reste intégrée à l’indivision. Les bénéfices et dividendes, autrement dit les fruits et revenus des parts, suivent le même régime que la finance et accroissent
la masse indivise (C. civ. art. 815-10) – Cass.1ère Civ 28/03/2018 n°17-16 198F PB) déjà en ce sens (Cass. 1e civ. 10-2-1998 n° 96-16.735P : Bull. civ. n° 47, Defrénois 1998 p. 1119 obs. O. Milhac).
– Constitution de réserves : Les associés peuvent décider d’affecter les bénéfices à la constitution de réserves qui pourront être distribués ultérieurement afin de compléter un dividende
trop maigre ou donner lieu à une augmentation de capital.
- Lorsque les parts sociales de l’époux associé constituent des actifs propres alors qu’en communauté les revenus des propres constituent des fruits tombant en communauté ? La constitution de réserves peut-elle permettre
de contourner le régime communautaire ? la JP semble dire que oui. 1ere CIV 12/12/2006 n°04-20.663 D2007 318) … La communauté n'a droit qu'aux fruits perçus et non consommés.
- Récompense pourra être due, à la dissolution de la communauté, pour les fruits que l'époux a négligé de percevoir ou a consommés frauduleusement, sans qu'aucune recherche, toutefois, soit recevable au-delà
des cinq dernières années. Mais la Cour estime que ces fruits n’existent pas tant que les bénéfices n’ont pas été distribués (renvoi à situation des Stocks options) Pour l’entrepreneur individuel
: ces bénéfices sont communs mais il peut faire échapper une partie d’entre eux s’il les réinvestit dans le fonds de commerce, ce qui n’ouvre droit à récompense pour la communauté que s’ils sont
massifs et systématiques – rien si c'est normal
- l’époux non associé ne peut exiger le remboursement du compte courant – seul l’époux associé peut le faire mais cela peut donner lui à récompense si cela provient de fonds communs. 1er Civ 9/02/2011 n°09-68.659
D 2011. 594.
- Les revenus du travail sont des acquêts puisque provenant de l’industrie de l’époux 1401 CC Rappel de la libre gestion des gains et salaires (223 CC) après contribution aux charges du mariage – éventuellement
droit à récompense si un époux fait don de ses revenus à un tiers.
Il faut en général et en même temps que le divorce, organiser la sortie ou le maintien du conjoint dans la société, qu'il soit associé, collaborateur, salarié...
L’avocat ne devra pas se contenter de préparer la convention de divorce et l’acte de liquidation et partage. Il surveillera la bonne tenue des documents sociaux, le respect des pactes sociaux et statuts, et déclarations fiscales,
le cas échéant en s’adjoignant un confrère en droit des affaires ou en s’assurant que l’expert-comptable est mandaté.
Idéalement les actes sont signés en même temps que le divorce, les règlements effectués.
Si les conjoints sont partenaires commerciaux, la rupture de relations commerciales établies suppose le respect d’un préavis, à défaut le versement d’une indemnité. Il faut le prévoir ou y renoncer. (L 442-6
5° du Code de commerce).
La cession ou l’attribution des actions ou parts sociales doit être assortie d’une garantie d’actif et de passif. Il s’agit de garantir la valeur des droits en permettant de réviser à la hausse ou à la baisse
le prix en cas de survenance d’une baisse de l’actif ou une hausse du passif postérieurement à l’opération, pour une cause antérieure à l’opération (apparition d’un passif fiscal ou social essentiellement).
Le cas échéant, on demandera au cédant de mettre en place une garantie bancaire à première demande pour sécuriser le cessionnaire, qui pourra être réduite par paliers d’année en année.
En cas de poursuite du contrat de travail, la modification du contrat ne pourra être faite que pour motif économique, ou d’un commun accord en cas de modification d’un élément substantiel.
Sur le fondement de l’article 873 du CPC, l’associé peut demander la désignation d’un administrateur ad hoc. Article 873 du Code de procédure civile Le président peut, dans les mêmes limites, et même en
preacutesence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
En cas de conflit soit une mésentente grave entre les associés paralysant le fonctionnement de la société, l'administration provisoire a un champ d'application très général et peut être requise pour toute forme
de société ou de groupement privé, personnalisé ou non.
La désignation d'un administrateur provisoire est une mesure exceptionnelle, qui suppose que soient réunies cumulativement deux conditions relatives à la gravité de la crise sociale, de nature à rendre impossible le fonctionnement
normal de la société, et à l'urgence, du fait d'un péril imminent menaçant la société. L'administrateur provisoire n'est là que pour permettre d'assurer le fonctionnement d'une société provisoirement
et gravement entravé. Il arrive que, même en l'absence de paralysie totale du fonctionnement social, la jurisprudence admette la nomination d'un administrateur provisoire lorsque le conflit entre associés est provoqué, ou finit
lui-même par provoquer des anomalies très graves de fonctionnement faisant apparaître des risques flagrants d'irrégularités. Une violation manifeste de la loi ou des statuts peut ainsi être invoquée.
de sa gestion, de justifier de l'encaissement des loyers et de présenter tant des comptes approuvés que les procès-verbaux de l'assemblée générale (CA Nîmes, 7 juin 2005 : JurisData n° 2005-284037).
Mesure de nature conservatoire, l'administrateur provisoire peut être désigné par un juge du principal ou, ce qui est le plus fréquent, par un juge des référés, selon une procédure nécessairement contradictoire.
Parfois la procédure sur requête peut également être utilisée. Sauf définition judiciaire plus précise, la mission de l'administrateur judiciaire est une mission d'administration générale, limitée
aux actes d'administration courante. Le juge peut y ajouter des mandats précis. En tout état de cause, elle emporte normalement dessaisissement de l'organe légal de représentation. À la différence de l'administrateur
provisoire, qui dispose d'un mandat général d'administration courante, le mandataire ad hoc reçoit un mandat spécial lui permettant d'accomplir un ou plusieurs actes déterminés. Selon la nature des actes ainsi autorisés,
la désignation d'un mandataire ad hoc peut être ordonnée par un juge des référés ou, au contraire, suppose nécessairement qu'une décision soit rendue sur le fond du litige. D'autres intervenants judiciaires
ont des missions qui se rapprochent de l'expertise.
La dissolution anticipée peut également être prononcée par le tribunal à la demande d'un associé pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé, ou de mésentente
entre associés paralysant le fonctionnement de la société. Entre les associés paralysant le fonctionnement de la société ; » Il est nécessaire que la société soit paralysée ou qu’elle ne
puisse fonctionner normalement.
A moins qu'il ne soit fait application de l'article 1844-9 (3ème alinéa), l'associé qui se retire a droit au remboursement de la valeur de ses droits sociaux, fixée, à défaut d'accord amiable, conformément à
l'article 1843-4. » On procède donc à une réduction du capital social. • Demande de désignation d’un expert pour la valeur des droits sociaux en cas de sortie / cession etc. Dans la mise en œuvre des statuts
et pactes, en contentieux devant le TC, TGI ou Tribunal arbitral : Article 1843-4 du Code Civil I. – Dans les cas où la loi renvoie au présent article pour fixer les conditions de prix d'une cession des droits sociaux d'un associé,
ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par ordonnance du président
du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible. L'expert ainsi désigné est tenu d'appliquer, lorsqu'elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par
les statuts de la société ou par toute convention liant les parties. II. – Dans les cas où les statuts prévoient la cession des droits sociaux d'un associé ou le rachat de ces droits par la société sans que
leur valeur ne soit ni déterminée ni déterminable, celle-ci est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné dans les conditions du premier alinéa. L'expert ainsi désigné est tenu d'appliquer,
lorsqu'elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévue par toute convention liant les parties. Sources principales : Lexis Nexis, Dalloz.fr
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