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Divorce et partage des biens

Le temps où un avocat assistant un client dans sa procédure de divorce pouvait ignorer le fonctionnement du régime matrimonial est révolu.
Depuis la loi de 1975 - il y a près de 45 ans - le législateur a progressivement pris conscience de la nécessité de lier le prononcé du divorce et le règlement des intérêts pécuniaires du couple marié. Dans un premier temps, il a cantonné cette obligation au divorce par consentement mutuel, alors judiciaire, tandis que dans les autres procédures de divorce, la liquidation s’effectuait le plus souvent après le prononcé du divorce, renvoyant les époux à régler un problème après l’autre et le juge à statuer sur la prestation compensatoire sans disposer d’informations nécessairement précises sur la situation patrimoniale des époux. 
A cette époque, un avocat pouvait donc accompagner son client jusqu’au prononcé du divorce sans que la liquidation ait été effectuée, et considérer que sa tâche était achevée.

Le législateur a pris conscience des insuffisances du système et la loi de 2004 a incité les époux qui optaient pour un divorce contentieux à liquider leur régime ou, à tout le moins, à régler les difficultés liquidatives dès la procédure de divorce (255-10, 267, 268, 265-2 CC), le juge se voyant doté en outre de moyens lui permettant de collecter des informations (255-9 CC) sur la situation patrimoniale des époux et de statuer ainsi en toute connaissance de cause sur la prestation compensatoire : si la prestation compensatoire a perdu beaucoup de son amplitude, la part recueillie par les époux lors de la liquidation du régime matrimonial est en effet l’un des paramètres de sa détermination (271 CC).

Dans ce contexte, la bataille autour des questions liquidatives a progressivement remplacé celle portant sur les griefs du divorce qui a, elle, perdu de son intérêt, même si les réformes de l’article 267 puis celle du divorce judiciaire de 2019 traduisent sur ce point un véritable recul du législateur : le juge du divorce n’est plus celui de la liquidation hors saisine expresse sur 267 (les juges sont assez réticents aux désignations 255-10 car ils y voient notamment une source d’allongement des procédures), tandis que la réforme a permis le retour du divorce par requête conjointe sur la scène judiciaire, mais sans liquidation du régime matrimonial, autorisant ainsi de facto une forme de divorce amiable sans liquidation du régime.

En tout état de cause, il n’est plus possible au praticien de droit de la famille, de ne pas maîtriser les aspects liquidatifs du régime matrimonial.
Cet atelier, destiné aux débutants, se propose de leur préciser les règles fondamentales et points de vigilance propres aux opérations de liquidation, que cette dernière intervienne dans un cadre judiciaire ou un cadre amiable, et qu’elle se déroule chez le notaire ou sous seing privé,
Par ailleurs, le contentieux liquidatif n’est pas limité aux couples mariés, mais aussi aux partenaires lies par un pacte civil de solidarité, ou les concubins. 

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Qu’est-ce que “liquider un régime” ?

Liquider, c’est faire les comptes des mouvements qui ont pu intervenir, en cours d’union, entre les différentes masses de biens possédé par les époux.
La liquidation, c’est donc l’ensemble des opérations qui consistent à identifier, qualifier et valoriser les biens appartenant aux époux et les mouvements de valeur ayant pu intervenir entre eux, sous forme de récompense, de créance entre époux ou de compte d’indivision selon le régime auquel ils sont soumis. La liquidation permet en outre, en régime de participation aux acquêts, de fixer la créance de participation. Il s’agit donc, par ce biais, de dresser le bilan de la situation économique du couple, étant précisé que la liquidation peut être amiable ou judiciaire. 

Est-ce que liquider et régler le régime matrimonial, c’est la même chose ?

La « liquidation » ne doit pas être confondue avec le « règlement » du régime matrimonial, qui consiste, en suite de la liquidation intervenue, à déterminer le sort des biens, qui pourront être répartis entre les époux, les deux opérations étant généralement comprises sous le vocable général de « partage ». La liquidation, c’est la première étape, celle qui consiste à faire les comptes, le règlement, c’est leur répartition, leur « partage » effectif (si les biens sont vendus, c’est un « partage » car les époux se répartissent le prix de vente), étant précisé qu’ils peuvent également être maintenus dans l’indivision. 255-10 prévoit ainsi que le notaire sera chargé d’élaborer un projet de liquid ation ET de formation des lots à partager et 265-2 que les époux peuvent, durant la procédure de divorce, passer toute convention sur la liquidation et le partage de leur régime matrimonial. Il en va de même de la PRIPP, qui doit préciser les intentions du demandeur quant à la liquidation de la communauté ou de l’indivision et le cas échéant, à la répartition des biens. Enfin, en matière de divorce par consentement mutuel, l’article 230 comme l’article 229-3 4e imposent aux époux de « régler » à peine de nullité le sort de leurs biens.

À quel moment la liquidation du régime matrimonial peut-elle intervenir ?

  • Au moment du décès de l’un des époux, elle précède celle de sa succession
  • Au moment du divorce
  • En cas de changement de régime matrimonial en cours d’union (1397 CC pour le changement volontaire et 1444 pour le changement judiciaire)
  • En cas de demande de liquidation anticipée de la créance de participation en régime de participation aux acquêts (1580 CC)
  • En cas de séparation de biens judiciaire
  • En cas de séparation de corps pour les époux mariés sous un autre régime que la séparation de biens (302 CC).
  • A tout moment, pour les époux mariés sous le régime de la séparation de biens, en application du principe suivant lequel nul n’est tenu de demeurer dans l’indivision.

En revanche et pendant l’union, les époux mariés sous le régime de la communauté ne peuvent procéder à la liquidation de leur régime, qui est subordonnée au divorce.
En régime de communauté et en vertu du même principe, il est toujours possible de liquider l’indivision pré-communautaire.
Dans tous les régimes, enfin, le paiement des créances entre époux peut être exigé en dehors de toute procédure de divorce.

En cas de divorce :

  • Elle est obligatoire dans le cadre du divorce par consentement mutuel, qui impose aux époux de régler leur régime matrimonial (donc de liquider et de partager, article 230 ; 2293 al 4)
  • Elle est facultative dans le cadre du divorce judiciaire : les époux peuvent pendant l’instance passer toutes les conventions pour la liquidation et le partage (article 2652) et le juge désigner un notaire chargé de rédiger un acte liquidatif incluant des propositions d’attribution (255-10).
  • Attention, depuis la réforme de l’article 267, entrée en vigueur le 1e janvier 2016, le juge du divorce n’ordonne plus la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux. Il peut cependant, toujours en vertu de cet article, statuer sur les demandes d’attribution préférentielle et de maintien dans l’indivision et surtout trancher les désaccords persistants, soit lorsque l’un des époux en fait la demande en suite du dépôt du rapport du notaire, soit en dehors de toute désignation, à la demande des parties, qui auront listé les points soumis à la décision du juge, désormais à n’importe quel moment de la procédure et non plus seulement au stade de l’introduction de la demande au fond.

Si la liquidation n’est pas intervenue au stade du divorce, elle pourra avoir lieu dans le cadre d’un partage amiable (815 à 839 CC, 1358 à 1379 CPC) ou, à défaut d’accord, dans le cadre d’une phase judiciaire (840 à 842 CC et 1359 CPC).
Attention, la tentative de règlement amiable constitue un préalable obligatoire à la liquidation judiciaire.

La détermination des masses

En régime de communauté, il existe 3 masses :

  • Les biens propres
  • Les biens communs
  • Les biens que les époux pourraient éventuellement posséder en indivision à raison d’un éventuel achat commun avant mariage. Le bien sera alors indivis.

Lorsque l’union des époux a été précédée d’une période de concubinage ou de pacs et que des biens ont été acquis en indivision durant cette période, ils demeureront indivis nonobstant l’union intervenue de manière subséquente. Cette indivision pré-conjugale sera toutefois liquidée distinctement, de même que l’indivision post communautaire. L’autonomie de cette indivision leur permet de liquider leur indivision en dehors de tout règlement du régime matrimonial, laquelle interviendra subséquemment lors du divorce. De la même façon, rien ne les oblige à liquider cette indivision lors du divorce, étant toutefois rappelé le principe suivant lequel « nul n’est tenu de demeurer dans l’indivision ».
 
En régime de séparation de biens, il existe 2 masses (hors société d’acquêts) :

  • Les biens personnels des époux
  • Les biens indivis

Attention, en présence d’une société d’acquêts il existera une 3e masse de biens de type commun, la société d’acquêts constituant une enclave de communauté dans le régime séparatiste.

Preuve de la nature des biens

En régime de communauté :

L’article 1402 pose une présomption qui veut que tous les biens soient réputés acquêt de communauté si leur caractère propre n’est pas prouvé (1402 al 1).
C’est donc à celui qui prétend que des biens lui seraient propres d’en apporter la preuve et cette preuve doit en principe se faire par écrit (1402 al2) et le juge pourra prendre en considération tous écrits, documents de famille, registres et papiers domestiques, documents de banque et factures. Il peut enfin admettre les témoignages et les présomptions, s’il constate que l’un des époux a été dans l’impossibilité morale ou matérielle de se procurer un écrit (ce qui n’arrive jamais, concrètement, la jp se montrant très sévère sur ce point).

En régime de séparation de biens :

Chaque époux conserve la propriété individuelle et exclusive de ses biens, quelle que soit leur date d’acquisition, l’origine des deniers qui a permis de les financer ou leur mode d’acquisition.
Cependant là encore, il appartient à chacun des époux d’apporter la preuve du caractère personnel des biens, puisque les biens dont aucun des époux ne pourra prouver la propriété exclusive seront considérés comme indivis (1538). Il existe donc une présomption d’indivision en séparation de bien.
En pratique, si rien n’a été prévu par le contrat de mariage, la présomption d’indivision pourra être écartée par titre et à défaut par tout moyen (1538).

Les reprises

C’est l’opération qui consiste pour chacun des époux à récupérer ses biens propres en régime de communauté et ses biens personnels en régime de séparation de biens. 
Attention, toutefois, en raison de la présomption d’indivision en régime de séparation de biens, et de la présomption de communauté en régime de communauté, il convient d’apporter la preuve du caractère propre (1402) ou personnel des biens (1538).

Les mouvements entre les masses : récompenses et créances

On ne parle de récompense qu’en cas de mouvement vers ou depuis la masse commune.
Dans les autres régimes, ou en cas de mouvements entre patrimoines propres d’époux mariés sous le régime de communauté, il s’agira de créance (entre époux ou depuis ou vers l’indivision).

A quelle date le régime matrimonial est-il réputé dissous ?

La date de dissolution du régime est en principe fixée à la date des effets du divorce entre époux (article 262).
Attention, la détermination de cette date n’est pas la même selon le type de procédure auquel on se trouve soumis.

  • Procédures soumises à la loi de 1975 (antérieures au 1e janvier 2005) : la date des effets du divorce, et donc celle de dissolution du régime, est fixée au jour de l’assignation en divorce ou à la date retenue par les parties dans leur convention définitive de divorce par consentement mutuel.
  • Procédures soumises à la loi de 2004 (antérieures au 1e janvier 2005) : au jour de l’onc et, en cas de DCM, à la date d’homologation ou de dépôt de la convention, à moins que celle-ci n’en dispose autrement.
  • Procédures soumises à la loi de 2019 (antérieures au 1e janvier 2021) : au jour de la demande, c'est à dire au jour du dépôt de la requête ou au jour de la délivrance de l’assignation en cas de divorce judiciaire, et au jour où la convention de divorce par consentement mutuel acquiert force exécutoire, cad au jour du dépôt, sauf disposition contraire de celle-ci.

En régime de participation aux acquêts, la dissolution est restée fixée au jour de la demande en divorce y compris sous la loi de 2004 (1572), soit pour les divorces intervenus entre 2005 et 2021, au jour de l’assignation ou de la requête conjointe et non au jour de l’onc comme pour les autres régimes.
 
Attention, il est toujours possible de solliciter le report des effets patrimoniaux du divorce à la date à laquelle les époux ont cessé de cohabiter et de collaborer (article 262-1), la cessation de la cohabitation faisant présumer celle de la collaboration. La preuve de la cessation de la cohabitation inverse la charge de la preuve : si l’un des époux apporte la preuve de la fin de la cohabitation, il appartient à l’autre époux, s’il s’oppose au report, de démontrer que la collaboration s’est poursuivie, étant rappelé que la jurisprudence de la cour de cassation adopte une appréciation stricte de cette notion et exige des actes de collaboration active, distincts de la contribution aux charges du mariage ou du financement des biens déjà possédés par les époux).
Ce report permet par exemple de se prévaloir du caractère personnel d’une acquisition, ou d’éviter que les stock-options dont l’option a été levée soient inclues dans la communauté.
Il permet également d’exercer des créances pour la période comprise entre la date de la séparation et celles de l’onc (2004) ou de la demande en divorce (2019), mais attention car la dépense faite par l’époux durant cette période peut se trouver neutralisée par la contribution aux charges du mariage (article 214), dont l’obligation perdure jusqu’à l’onc (2019) ou la date des effets des mesurse provisoires (2019).

Conséquences de la dissolution du régime :

Le régime matrimonial prend fin.
Les biens acquis par l’un ou l’autre des époux mariés en régime de communauté postérieurement à cette date ne sont plus considérés comme des acquêts mais comme des biens personnels aux époux et ils ne seront pas inclus dans la liquidation, sous réserve évidemment des comptes à rendre en cas d’utilisation de fonds communs.
A compter de cette date, les biens communs deviennent donc indivis et constituent l’indivision post-communautaire qui, jusqu’au partage, conserve son autonomie. Elle peut se trouver augmentée des fruits ou des plus-values, ou modifiée par le jeu des règles de la subrogation réelle (par exemple, si l’immeuble brûle, l’indemnité d’assurance sera indivise comme l’était l’immeuble, 815-10 al 1).
Les récompenses éventuellement dues par ou à la communauté portent intérêt légal à compter du jour de la dissolution, sauf lorsqu’elles sont égales au profit subsistant, auquel cas elles courent à compter de la seule liquidation (1473 CC).
Les mouvements de fonds qui interviennent à compter de la dissolution du régime sont soumis aux règles des créances d’indivision (815-13) et non plus à celles des récompenses comme pour la période de fonctionnement du régime. De la même façon, les mouvements de valeurs entre les patrimoines des époux ne seront plus soumis aux règles des créances entre époux, mais au droit commun, ce qui exclut leur revalorisation pour les soumettre au droit commun (cad qu’elles ne sont pas soumises à 1543 en SB et 1479 en CT).

La date de la jouissance divise

La date de jouissance divise est la date à laquelle cesse l’indivision et à compter de laquelle chaque indivisaire devient propriétaire du bien qui lui est attribué dans son lot. A compter de cette date, les revenus des biens cessent également de tomber dans la masse indivise.
Cette date est fixée à la date la plus proche du partage (article 829 al 2) et demeure donc en constante évolution pendant le processus liquidatif.
C’est également au jour le plus proche du partage que les biens à liquider sont évalués (article 829), afin que les deux époux supportent de manière identique les augmentations et diminutions de valeur subies par les biens.
Cette règle n’est cependant pas d’ordre public et les parties peuvent d’une part s’accorder sur une autre date, d’autre part, le juge peut en vertu de l’article 829 alinéa 3 fixer la date de jouissance divise à une date plus ancienne si le choix de cette date apparaît plus favorable à la réalisation de l’égalité. La jurisprudence semble cependant peu encline à appliquer ce principe et saisi d’une demande en ce sens, la cour de cassation a répondu qu’elle ne comprenait pas cette question « obscure » (29 mai 2013, 12-11.983).

Partage amiable et réparation des fonds :

Le partage amiable est subordonné à l’accord des époux. Dès lors, le notaire qui répartit des fonds sans l’accord des deux parties engage sa responsabilité (13 mars 1997, Paris, 95-016.105) et il est toujours possible de s’opposer à la demande de répartition adverse.

Charge de la dette

Attention de ne pas confondre les notions d’obligation et de contribution à la dette : l’obligation à la dette (ou passif provisoire) concerne les rapports des époux avec les créanciers, tandis que la contribution à la dette (ou passif définitif) concerne les relations entre époux et les dettes qui, in fine, seront retenues au titre du passif de communauté.
2236 : la prescription ne court pas entre époux de telle sorte que la prescription de l’indemnité d’occupation ne commence à courir qu’une fois la décision de divorce devenue irrévocable. Elle ne court pas non plus entre partenaires de PACS.

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