Adoption de l'enfant du conjoint malgré la rétractation du consentement
Le Tribunal Judiciaire de Lille a validé l'adoption sollicitée par la mère d'intention, représentée par le Cabinet Lebel Avocat, nonobstant la rétractation du consentement de la mère biologique, dans le contexte d'une procédure de divorce (TGI Lille, 14/10/2019, RG 18/09700), considérant que s'il n'existe aucun texte organisant la rétractation du consentement donnée par la mère à l'adoption de l'enfant du conjoint au delà du délai légal de deux mois, cette rétractation doit s'apprécier à l'aune de l'intérêt de l'enfant conformément aux dispositions de l'article 348-3 du Code Civil.
Il a, le même jour, validé l'adoption dans le cas où là séparation était intervenue avant que le consentement à l'adoption de la mère légale ait pu être donné devant notaire (14 oct. 2019, AJ famille 2020, 248, obs. F. BERDEAUX) :
« Le législateur n'a pas prévu de mode d'établissement de la filiation spécifique pour l'enfant né au sein d'un couple de même sexe, de sorte que l'adoption constitue en l'état du droit positif le seul moyen pour le conjoint n'ayant pas accouché de voir reconnaître son statut de parent à l'égard de l'enfant issu du projet parental [...]. Il en résulte dès lors, en cas de séparation d'un couple de femmes mariées et de refus de la mère de consentir à l'adoption [...] un vide juridique qui a pour conséquence de laisser l'établissement de la filiation de cet enfant à l'égard de sa mère d'intention au bon vouloir unilatéral de sa mère [...]. Il existe donc une nécessité d'interpréter le droit positif [...] de façon à préserver l'intérêt de l'enfant se trouvant dans une telle situation et d'écarter la condition tenant à l'existence d'un désintérêt du parent à l'égard de son enfant, laquelle n'a vocation à s'appliquer que dans la situation d'un enfant délaissé »
Le Tribunal Judiciaire de Pontoise , le 24 novembre 2020, vient à son tour de valider l'adoption nonobstant la rétractation de la mère biologique dans le délai qui lui était imparti pour le faire, considérant cette rétractation comme "abusive" :
« Il existe une nécessité d'interpréter le droit positif, en particulier l'art. 348-6 c. civ, de façon à préserver l'intérêt supérieur des enfants se trouvant dans une telle situation et d'écarter la condition tenant à l'existence d'un désintérêt du parent à l'égard de son enfant, laquelle n'a pas vocation à s'appliquer que dans la situation de l'enfant délaissé. [...] en dépit de l'absence de désintérêt de [la mère légale] à l'égard de l'enfant, son refus de consentir doit être qualifié d'abusif en ce qu'il est contraire aux intérêts supérieurs de l'enfant qui est de bénéficier de la protection juridique garantie par l'adoption en ce qui concerne notamment le nom, l'exercice de l'autorité parentale ou les droits successoraux outre la continuité de liens affectifs avec la personne identifiée comme figure parentale et qui a été porteuse, au même titre que sa femme, d'un projet parental et familial permettant alors d'accueillir les enfants au sein de leur foyer ».
Dans toutes ces affaires, la juridiction a considéré, d'une part, que tant que le divorce n'est pas prononcé, peu important qu'une procédure soit entamée et que la résidence commune ait pris fin, la condition tenant à la qualité de conjoint était remplie.
Elle étend par ailleurs le caractère abusif du refus opposé par les parents à l'adoption au delà des situations de délaissement ou d'abandon.
Attention toutefois, s'agissant de décisions de première instance et de solutions sur lesquelles la Cour de Cassation n'a donc pas pris position.
AJ famille, mars 2021, numéro 182.
- juillet 2024
- juin 2024
- Divorce franco-belge : prestation compensatoire et expatriation
- Déplacement international d'enfant : le droit japonais n'est pas constitutif d'un danger justifiant qu'il soit fait opposition au retour de l'enfant enlevé
- Réforme de l'ordonnance de protection : la loi Chandler promulguée le 13 juin 2024
- Pas de prestation compensatoire en cas de divorce pour faute !