Divorce franco/émirati, compétence et litispendance : les critères retenus par le Tribunal de Lille pour ordonner son dessaisissement au profit du tribunal d'Abu Dhabi (TJ Lille, 14/11/2025 RG 25/10018)
- L'affaire :
Dans cette affaire, le Tribunal d'Abu Dhabi avait été saisi par le mari d'une procédure de divorce antérieurement à la saisine par l'épouse de la juridiction française.
L'épouse, qui était rentrée du jour au lendemain en France avec l'enfant du couple, était intervenue à la procédure de première instance et avait relevé appel de sa décision, elle était assistée et avait bénéficié d'un traducteur, l'exception d'incompétence qu'elle soulevait n'ayant par ailleurs pas été retenue par le Tribunal d'Abu Dhabi, qui s'était reconnu compétent.
Le divorce avait été prononcé de manière express, en application de la loi 41/2021 réservée aux non-musulmans étrangers.
- La question juridique posée par le dossier (litispendance et compétence internationale) :
Le Tribunal judiciaire de Lille, second saisi, avait donc à traiter d'une question de litispendance internationale, sur laquelle la juridiction seconde saisie ne dispose d'aucun pouvoir d'appréciation : elle doit obligatoirement se dessaisir si les conditions posées par l'article 100 du code de procédure civile, la jurisprudence de la cour de cassation et les conventions bilatérales sont remplies (au cas d'espèce, l'article 13 de la convention bilatérale franco-émirienne du 6 septembre 1991).
Ces conditions sont une identité de parties, de cause et d'objet, une compétence concurrente des deux juridictions saisies, une saisine initiale de la juridiction au profit de laquelle le dessaisissement est sollicité, et un jugement étranger susceptible d'être reconnu et exécuté en France.
- La décision :
Au cas d'espèce et pour considérer que ces conditions étaient remplies, le TJ de Lille a retenu :
- Que les deux juridictions étaient saisies de la même affaire
- Que la saisine de la juridiction d'Abu Dhabi était antérieure à celle de Lille
- Que la compétence des deux juridictions était établie, celle de Lille en vertu de l'article 14 du Code Civil Français, celle d'Abu Dhabi, en vertu de l'article 13 de la convention franco-émirienne du 6 septembre 1991, qui en son article 1 précise que la juridiction doit être compétente selon les règles de conflit de loi de l'Etat requis ou les dispositions de l'article 14 de la convention : la loi d'Abu Dhabi n°14/2021 sur le statut personnel des étrangers non-musulmans à Abu Dhabi et la résolution n'°8 de 2022 concernant les procédures de mariage et de divorce dans l'émirat d'Abu Dhabi donne compétence au Tribunal des affaires civiles d'Abu Dhabi pour statuer sur les demandes de divorce des étrangers ou citoyens non-musulmans, notamment si le défendeur est un étranger qui n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail dans l'Emirat, dans les affaires de divorce civil et de ses effets lorsque l'Emirat d'Abu Dhabi est le lieu de résidence, le lieu de travail, ou le domicile de l'un des conjoints
- La décision rendue par le Tribunal d'Abu Dhabi était susceptible d'être reconnue en France, le Tribunal des affaires civiles d'Abu Dhabi faisant application de la loi d'Abu Dhabi n°14/2021 relative au statut personnel des étrangers non-musulmans, laquelle instaure un divorce sans faute ouvert à l'époux comme à l'épouse.
La juridiction lilloise s'est donc dessaisie, à cette occasion, au profit des tribunaux émiratis saisis en premier.
Le Cabinet LEBEL AVOCATS remercie le Cabinet LASSERE LAW FIRM pour la confiance qu'elle lui a faite en lui confiant cette affaire.
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