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Résidents français en Grande Bretagne, résidents britanniques en France : les conséquences du Brexit sur le divorce et le droit de la famille

Le 26 mars 2018
LES CONSEQUENCES DU BREXIT EN MATIERE DE DIVORCE, DE DROIT DE LA FAMILLE ET D’EXECUTION DES DECISIONS.
La Nuit du Brexit, 29 mars 2018
Aurélie LEBEL, Avocat au Barreau de Lille
 
 
 
 
Le Royaume Uni et l’Union Européenne sont aujourd’hui en négociation sur les modalités de sortie de Royaume Uni de l’Union Européenne.
 
Cette sortie de l’UE aura nécessairement des conséquences sur le droit des personnes : les règlements européens jusqu’alors applicables cesseront de l’être, avec cette particularité toutefois que dès avant le Brexit, le Royaume-Uni faisait déjà partiellement « droit à part » au sein de l’UE puisque toutes les conventions ne lui étaient pas applicables.
-          Il était soumis aux règlements européens relatifs à la compétence des juridictions, à l’exécution des décisions et à la loi applicable (Bruxelles II BIS, règlement aliments),
-          Il n’était pas soumis au règlement sur la loi applicable au divorce (Rome III)
 
Par ailleurs, il est signataire des conventions internationales applicables aux questions relatives aux enfants, de telle sorte que le Brexit ne changera finalement pas grand-chose à la majorité du droit de la famille (divorce, nullité de mariage, séparation de corps, responsabilité parentale et obligations alimentaires) ou à la situation des britanniques ou couples binationaux situés sur le territoire français, ni même à celle des binationaux ou français résidant en Grande Bretagne.
 
Il sera rappelé que le droit de la famille fait, en DIP, l’objet d’un véritable saucissonnage et le soumet à des règles multiples selon la matière concernée et qu’il s’agira de déterminer les règles de compétence ou la loi applicable.
 
 
I-                    COMPETENCE
 
Divorce :
 
En matière familiale le Royaume Uni est actuellement soumis au Règlement Bruxelles 2 bis, relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale.
 
C’est son article 3 qui prévoit les juridictions compétentes en matière de divorce et de séparation de corps, et il n’est pas possible d’y déroger par convention.
 
Si le Royaume Uni devient un état tiers, il cessera d’être lié par ce règlement et appliquera ses propres règles de droit international privé pour déterminer sa compétence.
 
La France restera de son côté liée par le règlement Bruxelles 2 bis, puisque le juge d’un Etat membre est tenu de déterminer sa compétence par application de ce règlement, d’application universelle, qu’il soit en « compétition » avec un autre Etat membre ou un Etat hors UE.
 
La conséquence la plus importante se situe au niveau de la litispendance : le règlement européen prévoit que la juridiction saisie en second lieu doit surseoir à statuer, tant que la première n’a pas réglé le problème de compétence.
 
Or si le RU n’est plus lié par le règlement, le juge anglais n’aura plus à surseoir à statuer en cas de saisine ultérieure (ce qui est actuellement prévu par l’article 19 du règlement), puisqu’il n’a plus à appliquer le règlement et appliquera sa législation interne, qui ne fait pas primer la juridiction saisie en premier lieu, mais celle qui présente le lien le plus étroit avec le litige.
 
Par conséquent, ce n’est que si le juge anglais estime que le juge français présente un lien plus étroit avec le litige qu’il acceptera de se dessaisir. Des décisions, éventuellement contradictoires, pourront donc être rendues dans les deux pays, avec les difficultés d’exécution induites en conséquence.
 
Cela risque de poser des difficultés dans l’exécution puisque plusieurs décisions, éventuellement contradictoires de surcroit, pourront être rendues et qu’un décision française pourra être revue par le juge anglais : le droit Anglais permet en effet au juge national de s’estimer compétent dès lors qu’il considère que la décision étrangère n’a pas suffisament alloti financièrement l’un des époux, ce qui porte atteinte à l’autorité de la chose jugée.
 
 
Responsabilité parentale :
 
C’est le règlement Bruxelles II bis qui s’applique dans l’UE, mais c’est la convention de la Haye du 19 octobre 1996 qui s’appliquera en Grande Bretagne, qui en revient au précédent texte ratifié qui n’a pas été abrogé mais qui se trouve primé par le règlement européen dans les Etats membres.
 
Le règlement Bruxelles 2 bis prévoit que dans les rapports entre les états membres, le Règlement a la primauté sur la Convention de La Haye. La convention prime à défaut et on devra donc appliquer la Convention de La Haye lorsque le litige sera franco-anglais, alors qu’on utilise actuellement le règlement (y compris en France ? A vérifier).
 
Les différences sont minimes, et tiennent essentiellement à la disparition de la prorogation de la compétence concernant l’autorite parentale au profit du juge du divorce dans le règlement.
 
C'est surtout en matière de prorogation de compétence que les règles diffèrent. En effet, dans le cadre de deux Français résidant à Londres, le juge français qui pourrait être compétent sur le divorce ne pourra plus être compétent pour statuer sur le sort des enfants communs résidant à Londres, même si les deux époux sont d'accord pour proroger la compétence du juge français sur ce point.
 
Seul le Juge anglais, juge de la résidence habituelle des enfants pourra être compétent.
 
Aujourd’hui, de manière générale, le règlement permet que toutes les questions relatives aux époux et aux enfants, notamment dans le cadre d’un divorce, soient jugées par le même juge par le jeu des prorogations de compétence.
 
A l’avenir, il y aura nécessairement un éclatement du contentieux, et les époux qui souhaitent divorcer risquent d’être amenés à saisir plusieurs juges, celui du divorce n’étant pas nécessairement celui de la responsabilité parentale ou celui des obligations alimentaires (entre époux et envers les enfants).
 
 
Obligations alimentaires :
 
La détermination de la compétence du juge en matière d’obligations alimentaires est définie par le règlement, dit « règlement Aliments », qui renvoie au protocole de la Haye du 23 novembre 2007. Il ne s’appliquera plus en Grande Bretagne, mais continuera de lier le juge français puisqu’il est d’application universelle.
 
De son côté, la Grande Bretagne ne sera plus liée par ce texte mais dans la mesure où elle a indirectement ratifié le protocole de la Haye, ses règles de compétence devraient également demeurer inchangées.
 
Il distingue entre les obligations alimentaires entre époux, qui peuvent faire l’objet d’une convention, et les obligations alimentaires concernant les enfants, qui sont impératives.
 
Exécution des décisions
 
Au sein de l’UR, les décisions de divorce ou de séparation de corps bénéficient d’une reconnaissance automatique et il n’est pas nécessaire de passer par le biais de la procédure d’exequatur.
 
Cette reconnaissance automatique devrait disparaître en conséquence du Brexit.
 
Le RU, qui est lié par le règlement aliments, bénéficiait en revanche d’un statut particulier concernant la reconnaissance de ses décisions : les décisions rendues au RU (et au Danemark), sur les aliments, ne bénéficient pas de la dispense d’exequatur, même si les juridictions françaises vérifient de façon plus légère la régularité de la décision anglaise.
 
Le Brexit n’aura donc pas de conséquence réelle sur l’execution des décisions relatives aux aliments, puisque les décisions doivent d’ores et déjà faire l’objet d’un exequatur.
 
Régimes matrimoniaux
 
Il n’existait initialement aucun règlement européen ou convention internationale venant régir la compétence des juridictions pour les questions relatives au régime matrimonial. C’est donc par application du droit interne de chaque pays que la compétence de la juridiction saisie est appréciée.
 
L’Union européenne a toutefois adopté, dans le cadre d’une coopération renforcée, deux règlements en matière de régimes matrimoniaux et d’effets patrimoniaux des partenariats enregistrés : règlement UE no 2016/1103 du Conseil du 24 juin 2016 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de l’exécution des décisions en matière de régimes matrimoniaux et règlement UE no 2016/1104 du Conseil du 24 juin 2016 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de l’exécution des décisions en matière d’effets patrimoniaux des partenariats enregistrés.
 
Cependant, le Royaume Uni n’a pas adopté ces règlements et n’y est donc pas partie.
 
Par ailleurs, ces règlements européens ne sont pas encore entrés en vigueur et actuellement, il y a en tout état de cause lieu d’appliquer les règles de compétence internes.
 
Le juge français continuera donc d’appliquer comme il le fait actuellement l’article 1070 du Code de procédure civile
 
« Le juge aux affaires familiales territorialement compétent est :
-        le juge du lieu où se trouve la résidence de la famille ;
-        si les parents vivent séparément, le juge du lieu de résidence du parent avec lequel résident habituellement les enfants mineurs en cas d'exercice en commun de l'autorité parentale, ou du lieu de résidence du parent qui exerce seul cette autorité ;
-        dans les autres cas, le juge du lieu où réside celui qui n'a pas pris l'initiative de la procédure. »
 
Lorsque les règlements européens entreront en vigueur, en janvier 2019, la situation ne changera pas, le RU ne les ayant pas ratifiés et par conséquent, le Brexit sera sans incidence sur ce point également.
 
 
II-                  LOI APPLICABLE
 
Divorce
 
Le RU n’est pas partie au Règlement Rome 3, qui détermine la loi applicable au divorce et à la séparation de corps.
 
Ce règlement étant d’application universelle, cela ne changera rien pour le juge français, qui demeurera tenu de déterminer la loi applicable en fonction des critères prévus par Rome III.
 
C’est déjà la situation actuelle, et le Brexit ne la changera pas.
 
Pour ce qui est des décisions anglaises, le juge anglais continuera de faire application de ses règles internes de conflit de loi, de telle sorte que le Brexit ne changera rien non plus et que ce sera dans le cadre de l’exequatur que le juge français vérifiera s’il n’y a pas eu de contradiction avec l’ordre public français.
 
Rome III prévoit la possibilité de choisir la loi applicable au divorce, et il sera donc possible d’en faire usage devant le juge français, le règlement s’appliquant également dans les rapports avec les pays tiers.
 
Obligations alimentaires
 
La loi applicable aux obligations alimentaires n’est pas déterminée par un règlement européen mais par le protocole de la Haye du 23 novembre 2007, indirectement ratifié par le royaume uni, de telle sorte que le Brexit sera sans conséquences et que les règles de détermination de la loi applicable devraient donc être identiques des deux côtés de la Manche.
 
Il est rappelé qu’il est possible pour les époux de faire choix de la loi applicable à leurs obligations alimentaires (art 4 du protocole du 23 novembre 2007).
 
En revanche, il n’est pas possible de choisir conventionnellement la loi applicable aux obligations alimentaires concernant les enfants.
 
Responsabilité parentale
 
Il n’existe pas non plus de règlement européen déterminant la loi applicable à la responsabilité parentale et c’est la Convention de La Haye du 19 octobre 1996 sur la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesure de protection à l'égard des enfants (article 15) qui continuerai à s'appliquer car elle a été ratifiée par le Royaume-Uni, d'une part, et par tous les pays de l'Union européenne, d'autre part.
 
Déplacements illicites d’enfants
 
 
En matière de déplacements illicites, la Convention de La Haye, en date du 25 octobre 1980, relative aux aspects civils de l'enlèvement international d'enfant, s'appliquait avant le Brexit aux relations entre le RU et les Etats membres ; elle continuera de s'appliquer.
 
C’est elle qui fixe les règles de compétence et la loi applicable.
 
 
Régimes matrimoniaux
 
Le RU n’est pas partie à la convention de LA HAYE de 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux et la détermination de celle-ci restera, sur place, soumise au droit interne.
 
Cette convention permet de déterminer la loi applicable au régime matrimonial pour les époux mariés après 1992, puisqu’elle retient la loi du premier domicile commun. Elle prévoit une mutabilité automatique au bout de 10 ans de résidence dans un pays tiers, pour l’avenir (ce qui sers supprimé par le règlement régime matrimoniaux).
 
En revanche, elle est applicable dans les Etats qui l’ont ratifiée, dont la France.
 
Cette convention étant d’application universelle, la France devra donc, en l’absence de choix de loi par les parties, appliquer les critères retenus par la convention, comme elle le fait actuellement, pour déterminer la loi applicable.
 
Par conséquent, là encore, le Brexit ne changera rien.
 
A l’inverse, les français ou binationaux qui divorceront au RU seront soumis aux règles de détermination du régime matrimonial local et le Brexit pourra avoir des conséquences pratiques dans le cadre d’une « optimisation du régime matrimonial » : pour des conjoints français domiciliés au RU, il pourrait être possible d’éviter la procédure française notamment pour le changement de régime matrimonial, qui pourrait alors ne plus être un acte notarié, qui ne serait plus nécessairement judiciaire en présence d’enfants mineurs.
 
 
 
III-                Le cas particulier du divorce par consentement mutuel
 
Le nouveau divorce par consentement mutuel français, prend désormais la forme d’un acte sous signature privée contresigné par les avocats et enregistré au rang des minutes d’un notaire. La convention de divorce n'est plus examinée ni approuvée par un magistrat français, mais le droit français l’a rendue exécutoire et a permis sa transcription sur les actes de son état civil.
 
Le législateur français n’a cependant pas prévu les conséquences internationales d’un tel divorce tant au titre de la compétence du notaire, que de la loi applicable ou encore de l’exécution et de la reconnaissance de ce divorce.
 
Il existe d’une part une difficulté de reconnaissance de l’acte et la validité du divorce à l’international, puisque la plupart des conventions internationales prévoient, pour la reconnaissance de l’acte, l’existence d’une « décision de justice », de même que la plupart des législations étrangères. Il soulève également les difficultés de reconnaissance et d’exécution des décisions s’agissant des conséquences du divorce.
Il ne s’agit en effet pas d’un acte émanant d’une juridiction, mais pas non plus d’un acte authentique, au sens des instruments UE, puisque le législateur n’a pas confié au notaire de mission d’athentification du contenu de l’acte. C’est donc juste un acte doté de la force exécutoire, dans lequel l’avocat, tenu d’un devoir renforcé de conseil, fait foi de l’authenticité et de la signature des parties.
S’agissant de la circulation de l’acte au sein de l’UE, le décret prévoit la délivrance, par le notaire dépositaire de la convention, du certificat prévu à l’article 39 du règlement bruxelles II bis, en vue de permettre la reconnaissance, dans l’union, de la dissolution du mariage. Bruxelles II bis, en son article 46, prévoit que les actes authentiques exécutoires dans un Etat membre ainsi que les accords entre parties exécutoires dans l’état membre d’origine sont reconnus et rendus exécutoires dans les mêmes conditions que les décisions. Si l’acte ne constitue ni une décision ni un acte authentique, il constitue un accord exécutoire et il pourra donc être reconnu au sein de l’union européenne.
Mais cela ne jouera donc qu’au sein de l’ue et donc, pas en Grande Bretagne et uniquement pour le prononcé du divorce et la responsabilité parentale (mais les concernant, sans possibilité de délivrance d’un certificat article 61, qui étaient demandés au juge et qui les rendaient immédiatement applicable dans toute l’ue, sans reconnaissance a priori mais uniquement à postériori, en cas de difficulté).
De fait, le législateur a explicitement reconnu que le seul certificat qui sera délivré par le notaire sera celui prévu par l'art. 39 du règlement « Bruxelles II bis ». Le certificat de l'art. 41 du même règlement (certificat qui concerne l'exercice du droit de visite et d'hébergement) ne sera pas délivré, non plus que les certificats prévus par le nouveau règlement européen sur les obligations alimentaires, ce qui signifie que le créancier d'aliments ne sera plus en mesure de bénéficier de la procédure de reconnaissance simplifiée prévue par ce règlement.
 
 
 
 
S’agissant en revanche des obligations alimentaires, les textes européens parlent de transactions judiciaires et d’actes authentiques, sans prévoir les accords exécutoires (article 48). Il est donc conseillé de faire homologuer cette partie de la décision par le juge étranger, ou de l’incorporer à une décision...
Dès lors, en Grande Bretagne, le risque est important, de voir une situation jugée en France rejugée (si pas d’autorité de la chose jugée, peut revoir le principe, les conséquences…) ou de bigamie, par exemple si le divorce ne peut être transcrit à l’étranger. Or aucune convention internationale ne reconnaît ce nouveau divorce (voir par exemple l’article 13 de la convention franco marocaine, étant précisé toutefois que la France reconnait les divorces prononcés devant le cadi, donc hors juridiction). Hors convention, les parties devront s’en remettre aux règles de DIP de chacun des pays concernés par la circulation de l’acte, et par la reconnaissance de celui-ci.
En effet, si la compétence des juridictions françaises n'est pas mise en œuvre, puisque le divorce par consentement mutuel est un simple contrat, on pourrait considérer que la possibilité demeure pour les juridictions d'un autre État de se reconnaître compétent.
 
La troisième partie du « Matrimonial and Family Proceedings Act » (MFPA 1984) accorde aux juridictions anglaises le droit d'intervenir et de prendre des décisions relatives aux conséquences financières d'un divorce, dès lors que certains critères de compétence sont réunis. En substance, une fois sa compétence acceptée, le juge anglais a la possibilité de prendre les décisions qu'il aurait prises si le divorce avait été prononcé en Angleterre ; ce qui peut inclure la condamnation au paiement d'une pension alimentaire, d'une somme forfaitaire, le prononcé de mesures relatives au logement familial, ou le partage d'une pension.
 
Exemple - Un époux ayant divorcé par consentement mutuel en France et s'estimant véritablement désavantagé par l'accord conclu, pour peu qu'il n'ait reçu ni l'assistance juridique nécessaire, ni les informations pertinentes sur la situation financière de son époux, pourrait rechercher la compétence des juridictions anglaises. Cette hypothèse est d'ailleurs fort probable dans la mesure où aucun accompagnement ni contrôle judiciaire n'aura été mis en oeuvre. L'affaire Agbaje c/ Akinnoye-Agbaje, aux termes de laquelle la partie III a pour objet « l'atténuation des conséquences préjudiciables d'une absence de compensation financière, ou d'une compensation financière inadaptée, prononcée par une juridiction étrangère, lorsqu'il existe un lien substantiel avec l'Angleterre », fait autorité en la matière.a
 
Jusqu'à maintenant, il était relativement difficile de faire jouer avec succès une action sur le fondement de la partie III en Angleterre et au pays de Galle, lorsque le divorce avait été prononcé dans un État occidental, et particulièrement dans un État membre de l'Union européenne. La question se posait davantage pour les conventions conclues dans des États de culture plus traditionnelle - dans lesquels les femmes sont traitées différemment et où, par conséquent, les compensations financières ne sont pas forcément adéquates.
 
Cette situation pourrait évoluer, maintenant que les conventions françaises ne feront plus l'objet d'un contrôle judiciaire et que de nombreuses conventions déséquilibrées, voire tout à fait déraisonnables, pourraient se faire jour, qui ne permettraient aux époux de subvenir ni à leurs besoins personnels, ni à ceux de leurs enfants. En pratique, ce contentieux engorgera les juridictions anglaises, les procédures étant complexes, fastidieuses et onéreuses.
 
Les juridictions anglaises seront toutefois peu enclines à accepter une telle requête si elles considèrent que le requérant français cherche simplement à obtenir une seconde compensation indue, après avoir déjà reçu une compensation satisfaisante en France.
 
Une autre question reste à résoudre, celle de savoir si la mise en place d'une pension alimentaire (ou prestation compensatoire) dans un État membre de l'Union européenne est de nature à exclure automatiquement la compétence des juridictions anglaises et galloises à prononcer une compensation financière sur le fondement de la partie III.
 
Certes, une compensation financière prononcée dans un État membre de l'Union européenne pèsera d'un poids non négligeable sur la recevabilité d'une requête fondée sur la partie III et sur l'examen de son bien-fondé. Mais, en pratique, il est très probable que l'octroi d'une nouvelle compensation financière en dehors du périmètre du règlement n'en soit pas pour autant empêché. Par suite, quand bien même une partie aurait déjà obtenu une prestation compensatoire (ou pension alimentaire) en France, la possibilité d'une seconde demande relative aux conséquences financières du divorce pourrait demeurer ouverte.
 
IV-               Aménagements des règles de DIP par le contrat de mariage :
 
Un certain nombre de ces règles peut cependant faire l’objet d’un aménagement conventionnel, par contrat de mariage ou par acte subséquent.
 
Ces règles pourront permettre de faire obstacle à certaines des règles sus-mentionnées, du moins devant le juge français. Lorsque le juge anglais n’est pas lié par la disposition internationale qui permet le choix de loi ou de compétence, celui-ci ne lui sera cependant pas opposable.
 
C’est ainsi que le juge anglais n’est pas lié par le choix de loi qui pourrait être réalisé en applicatoin de Rome III, puisque le RU n’est pas lié par Rome III.
 
De la même façon, le juge britanique n’est pas lié par les dispositions du contrat de mariage français, étant rappelé qu’il n’existe pas de régime légal en grande bretagne et qu’il est donc conseillé aux expatriés de régulariser un prenuptial agreement dès leur installation en Grande Bretagne, qui lui-même ne lie d’ailleurs pas nécessairement le juge, qui est en droit de le modifier (article 24 matrimonial act).
 
Toutefois l’ensemble des choix réalisés lient, à l’inverse, le juge français :
 
-          L’article 5 du règlement Rome III permet de choisir la loi applicable au divorce, parmi la loi de nationalité ou la loi de résidence. Il n’est en revanche pas possible de faire choix, ab initio, de la juridiction compétente. Les parties doivent à l’occasion de leur choix recevoir les informations sur la loi applicable et il conviendra que le notaire le précise dans son acte. Ce choix n’est pas opposable au RU.
 
-          S’agissant des obligations alimentaires entre époux, l’article 8 du protocole de la Haye de 2007 permet le choix de la loi applicable et de la juridiction, entre la loi de nationalité et la loi de résidence. Ce choix est opposable au RU, puisqu’il demeure soumis au protocole de la Haye.
 
-          Aucun choix de loi ni de juridiction n’est possible concernant les obligations alimentaires relatives aux enfants.
 
-          Il est possible, en plus du choix de régime matrimonial, de désigner par contrat de mariage la loi qui sera applicable à votre régime matrimonial, mais là encore, cela ne lie pas le juge au RU.
 
 
 

 
 
 
 
Synthèse
 
Le droit de la famille fait, en DIP, l’objet d’un véritable saucissonnage : on le soumet à des règles multiples (règlements européens, conventions ou protocoles internationaux) en fonction de la matière concernée et selon qu’il s’agira de déterminer les règles de compétence ou la loi applicable.
 
A défaut d’accord spécifique entre l’UE et le RU, le Brexit produira un certain nombre de conséquences sur la situation personnelle des couples mixtes ou expatriés installés d’un côté ou de l’autre de la Manche.
 
Ce qu’il faut retenir, c’est qu’il n’est pas possible, sans l’avoir anticipé par le biais d’aménagements conventionnels, d’échapper aux règles déterminant la compétence ou la loi applicable au divorce, à ses conséquences patrimoniales et financières, comme aux enfants.
 
Or les expatriés l’ignorent, comme ils ignorent en général tout des conséquences, parfois sévères des règles posées par le droit international :
-          ils pourront d’abord se retrouver, s’ils ne l’anticipent pas quand c’est possible, soumis à une juridiction étrangère, qui peut être très éloignée de leur domicile
-          Ils pourront se trouver soumis au droit de leur pays de résidence et ne pourront donc pas divorcer conformément à leur droit national
-          Les conséquences du divorce, notamment financières ou concernant les enfants pourront également être soumises au droit de leur pays de résidence, qui peut être très différent du nôtre. C’est ainsi qu’en Belgique, il n’y a pas de prestation compensatoire et au contraire, qu’au Royaume Uni, elles sont beaucoup plus importantes qu’en France et peuvent aller jusqu’au partage forcé des biens des époux. De même, le juge britannique n’est pas lié par le contrat de mariage français et bien peu d’époux le savent lorsqu’ils partent vivre Outre-Manche.
 
Un certain nombre de ces règles peut cependant faire l’objet d’un aménagement conventionnel, par contrat de mariage ou par acte subséquent lorsque l’acte notarié ne sera pas requis (il ne l’est, en pratique, que pour le choix du contrat de mariage et les modifications ultérieures pourront donc être faites par acte d’avocat).
 
Lorsque le juge n’est pas lié par la disposition internationale qui permet le choix de loi ou de compétence, celui-ci ne lui sera cependant pas opposable :
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