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Révoquer une donation pour ingratitude : Aurélie LEBEL, avocat, droit des successions, lille

Le 16 mars 2022
Révoquer une donation pour ingratitude : Aurélie LEBEL, avocat, droit des successions, lille
La donation est en principe irrévocable : le cabinet lebel avocat, cabinet spécialisé en droit des successions à Lille, vous conseillera dans le choix des actions à mener, notamment en cas d'ingratitu

En application du principe d'irrévocabilité des donations, celles-ci ne peuvent par principe être remises en cause.

La révocation pour cause d’ingratitude peut toutefois être révoquée. 

Elle est soumise aux dispositions de l’article 955, qui prévoit 3 causes d’ingratitude :

-          Si le donataire a attenté à la vie du donateur

-          S’il s’est rendu coupable envers lui de sévices, délits ou injures graves

-          S’il lui refuse des aliments

 La définition de ces notions est stricte.

S’agissant des sévices, il dit s’agir d’actes de cruauté corporelle, de mauvais traitements physiques infligés au donateur par le donataire, même s'ils ne sont pas réprimés par la loi pénale (Agen, 4 juin 1945, S. 1946. 2. 20 : coups et blessures).

Les délits sont des faits réprimés par la loi pénale (délits et, a fortiori, crimes). S'ils ont un caractère injurieux, s'ils sont volontaires et lèsent le donateur dans sa personne ou dans ses biens, ils justifient la révocabilité de la donation pour cause d'ingratitude.

Le vol commis au préjudice du donateur est considéré comme pouvant motiver la révocation de la donation, s'il est jugé suffisamment grave ou s'il suppose de la part du donataire la volonté actuelle et perverse de nuire au donateur (Civ. 24 déc. 1827, Jur. gén., Vo Dispositions entre vifs ; Rennes, 11 mai 1830, Jur. gén., eod. Vo ; Paris, 17 janv. 1833, S. 1833. 2. 155 ; Limoges, 13 déc. 1853, S. 1855. 2. 427 ; T. civ. Lyon, 27 déc. 1866, DP 1867. 3. 31 ; Caen, 19 août 1878, Rec. Caen 1878. I. 7). Par contre, un vol minime en importance ou d'une relative gravité, ne justifiera pas la révocabilité de la donation consentie auparavant (Besançon, 3 févr. 1948, Gaz. Pal. tables 1945-1950, Vo donation, no 42 : majeur ayant quitté la maison paternelle pour aller contracter un mariage qui n'a pas l'agrément de ses parents, en emportant une valise de son père et une paire de draps ; Bordeaux, 6 mars 1854, Jur. gén., suppl., Vo Dispositions entre vifs).

Je n’ai pas noté de sévices ou de délits dans ce que vous me rapportiez, mais si tel était le cas, je vous encourage bien évidemment à m’en justifier et nous pourrions envisager de suivre cette piste.

La seule piste qui s’ouvre à nous demeure donc celle des injures graves.

Il convient donc de rechercher ce que la jurisprudence entend par injures graves, s’agissant d’une question de fait soumise à l’appréciation souveraine des juges du fond, afin de déterminer si vous disposez d’éléments susceptibles de permettre la révocation de votre donation.

Il faut entendre par injures non seulement les paroles injurieuses, mais aussi les offenses et blessures, au sens large du terme, tendant intentionnellement à atteindre le donateur dans son honneur et sa réputation.

Les injures pouvant entraîner la révocation doivent être graves, et leur appréciation tiendra compte des circonstances et de la qualité des personnes que les juges du fond apprécieront.

La notion d'injures graves appelle plusieurs commentaires, car elle est extrêmement compréhensive et a permis aux tribunaux d'élargir considérablement le domaine et les conditions de la révocation (H., L. et J. MAZEAUD, t. 4, 2e vol., no 1535). On ne saurait réserver la qualification d'injures graves aux seules injures qui portent atteinte à l'honneur ou à la probité (Besançon, 7 avr. 1930, DH 1930. 353).

A titre d’exemple, un arrêt de la cour d'appel de Lyon (29 mai 1973, D. 1976. 14, note J.-F. Vouin, Gaz. Pal. 1973. 2. 901, note D. Martin, Defrénois 1975, art. 31002, no 46, obs. J.-F. Vouin, RTD civ. 1975. 137, obs. R. Savatier) a décidé qu'il n'y a pas d'injure de la part de l'enfant gratifié qui traite, dans ses lettres, ses parents d'« ignobles » et « indignes » et qualifie son père de « sale crapule », parce que ces termes de mépris, constitutifs d'injures graves, ont été rédigés pour traduire son dépit d'avoir vu ses parents agir en justice contre lui. Au contraire, on a pu estimer qu'il y a injure dans ces mots qu'une fille gratifiée a dits à sa mère : « Tu vas crever, vieille saleté, tu n'en as plus pour longtemps, tu iras faire la propriétaire au cimetière » ou encore : « Tu ne crèveras pas, pourrie » (P. MALAURIE et L. AYNÈS, op. cit., no 458, note 25 ; adde : Civ. 1re, 21 févr. 2006, no 02-14.407  , JCP 2006. IV. 1573, RJPF 2006-4141, obs. J. Casey). Il en ira de même en cas de vol dans un contexte conflictuel entre une mère et son fils (Civ. 1re, 14 janv. 2003, Bull. civ. I, no 5, AJ fam. 2003. 106  , RJPF 2003-3149, obs. J. Casey, RTD civ. 2003. 530, obs. J. Patarin  ).

Dans les relations entre les membres de la famille, les rapports entre les parents et les enfants ou entre les membres d'une même famille sont souvent portés à l'appréciation des juges, soit en raison de leurs difficultés propres, soit à l'occasion des recours en justice. De manière générale, quand l'attitude du donataire a pris un tour offensant pour son bienfaiteur ou témoigne d'une ingratitude inacceptable, par exemple, envers le donateur qui s'est entièrement dépouillé à son profit (Civ. 1re, 20 nov. 1984, Bull. civ. I, no 313), la révocation est prononcée.

Bien qu'étranger aux membres de la famille, le domestique donataire de son maître est reconnu coupable d'injures graves justifiant le révocation de la donation lorsque le domestique a cherché par de faux rapports à diviser les membres de la famille du donateur (Paris, 29 mars 1906, Jur. gén., Vo Dispositions entre vifs, no 1839).

Cependant, n'a pas été constitutive d'injure l'attitude purement négative gardée par un fils à l'égard de son père (Paris, 10 févr. 1962, D. 1962, somm. 121) et l’attitude du donateur est également prise en compte, s’il a par exemple provoqué les injures par sa propre attitude.

La jurisprudence est assez ouverte, toutefois il convient de disposer d’éléments de preuve concrets pour envisager de diligenter une action en justice.

Une simple plainte en suite de la violation de votre domicile ne semble pas suffire et l’action en révocation ne peut naître que de faits imputables au donataire lui-même.

Par ailleurs, l’action doit être engagée dans l’année de la survenance des faits, suivant les dispositions de l’article 957 et cette disposition me paraît également s’appliquer aux injures. Le point de départ court à compter du jour où les faits imputés ont eu lieu.

L’action est portée devant le tribunal judiciaire du lieu de domicile du défendeur, conformément au droit commun (article 42 CPC).

Aurélie LEBEL, avocat, spécialiste en droit de la famille, des personnes et du patrimoine, droit des successions, Lille