Adoption forcée de l'enfant issu d'une PMA à l'étranger avant le 2 août 2021 : urgence pour ceux qui n'ont pas encore diligenté la procédure !
La loi visant à réformer l’adoption, dite loi Limon, a prévu une disposition spécifique au profit de la femme qui n'a pas accouché mais qui a participé à un projet d'AMP à l'étranger avant l’adoption de la loi et à qui le parent biologique refuse la procédure de régularisation prévue dans le cadre des dispositions transitoires.
Elle prévoit en son article 9 un mécanisme d’adoption forcée.
Attention toutefois, cette disposition est réservée aux femmes ayant eu recours à une PMA à l'étranger avant le 2 août 2021.
L'action n'est par ailleurs ouverte que jusqu'au 23 février 2025 et n’est pas possible en cas de Procréation amicale ou artisanale, puisqu'elle suppose la justification de la PMA pratiquée à l'étranger avant le 2 août 2021.
"À titre exceptionnel, pour une durée de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, lorsque, sans motif légitime, la mère inscrite dans l’acte de naissance de l’enfant refuse la reconnaissance conjointe prévue au IV de l’article 6 de la loi n° 2021‑1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique, la femme qui n’a pas accouché peut demander à adopter l’enfant, sous réserve de rapporter la preuve du projet parental commun et de l’assistance médicale à la procréation réalisée à l’étranger avant la publication de la même loi, dans les conditions prévues par la loi étrangère, sans que puisse lui être opposée l’absence de lien conjugal ni la condition de durée d’accueil prévue au premier alinéa de l’article 345 du code civil. Le tribunal prononce l’adoption s’il estime que le refus de la reconnaissance conjointe est contraire à l’intérêt de l’enfant et si la protection de ce dernier l’exige. Il statue par une décision spécialement motivée. L’adoption entraîne les mêmes effets, droits et obligations qu’en matière d’adoption de l’enfant du conjoint, du partenaire d’un pacte civil de solidarité ou du concubin."
L’adoption suppose selon la lettre du texte la démonstration d’un projet parental commun, une AMP à l’étranger, l’intérêt de l’enfant et sa protection, outre le caractère illégitime de l’opposition du parent biologique à la reconnaissance conjointe a posteriori.
La mère sociale pourra donc solliciter l'adoption de l'enfant sans le consentement de la mère biologique, dès lors que cette dernière ne justifie pas d'un "motif légitime". Le Tribunal prononce l'adoption si le refus de la reconnaissance conjointe est contraire à l'intérêt de l'enfant et si la protection de ce dernier l'exige (conf. Lyon, 9 juin 2022, 21/09303 et Aj Famille, Marie Mesnil, Autant en emporte la PMA : enfin reconnues mères ! )
Il existe des décisions du TJ de Lille (TJ Lille, 6 mars 2023, RG 22/03267, TJ Évry-Courcouronnes, 3 avr. 2023, nos 22/02382 et 22/02383 - TJ Évreux, 15 sept. 2023, n° 22/04233, Dr. fam. 2023, comm. 153, note P. Egéa - TJ Bourg-en-Bresse, 27 avr. 2023, n° 22/02249 - Rennes, 20 nov. 2023, n° 23/00885 - Chambéry, 28 nov. 2023, n° 22/02147 - TJ Dunkerque, 22 févr. 2024, n° 23/01195 - Amiens, 22 févr. 2024, n° 23/01605, Dr. fam. 2024, comm. 52, note P. Egéa - Lyon, 29 févr. 2024, n° 22/07427, AJ fam. 2024. 304 , obs. M. Mesnil - TJ Bayonne, 14 mars 2024, n° 23/01662).
Toutes ces décisions témoignent d’une tendance favorable au prononcé de l’adoption.
Seule la cour d'appel de Caen, le 14 déc. 2023 (n° 22/01676, Dr. fam. 2024, comm. 30, note C. Siffrein-Blanc), a refusé l'adoption eu égard au conflit aigu entre les deux ex-conjointes et surtout au souhait de l'enfant de 8 ans, auditionné, de « s'échapper d'une réalité familiale très complexe » et de ne pas être adopté.
La question s’est rapidement posée de savoir si les conditions d’intérêt et de protection étaient cumulatives ou alternatives, dans le premier cas la protection de l’enfant devant être considérée comme un critère autonome et nécessiter la preuve concrète de ce que l’adoption était nécessaire à la protection de l’enfant.
La Cour de cassation y a répondu par un arrêt du 23 mai 2024, 22-20.069 : elle récuse l’interprétation tendant à faire de la protection un critère autonome, au motif qu’il conduirait à limiter considérablement la possibilité d’adoption alors même que le refus de RCP serait injustifié, l’enfant ne devant pas être privé d’un second lien de filiation maternelle du seul fait de la séparation conflictuelle de ses parents et du refus consécutif de la femme inscrite dans l’acte de naissance d’établir une reconnaissance conjointe ». Cela rejoint l’analyse de la CA d’Amiens qui avait considéré que la protection s’entendait comme la nécessité de protéger juridiquement et de façon définitive les liens d’affection unissant la mère d’intention et l’enfant.
Elle ajoute que le projet parental doit prévaloir sur le conflit conjugal et l’appréciation de l’intérêt consiste en celui du caractère justifié ou injustifié du refus de RCP à l’aune de l’engagement de l’autre compagne dans le projet parental et dans le maintien des liens avec l’enfant, malgré la séparation ; ce qui compte ici, c’est le caractère conjoint du projet parental et le fait que l’autre compagne ait été considérée comme l’autre parent de l’enfant. Le curseur porte d’avantage sur l’intérêt témoigné à l’enfant par l’ancienne compagne, que sur l’intérêt de l’enfant à être adopté. La Cour de cassation fait prévaloir l’idée d’un intérêt de principe à l’adoption et à un lien de filiation conforme à son histoire familiale.
Une proposition de loi tendant à pérenniser la RCP et l’adoption forcée a été enregistrée le 2 mai 2024.
Pour toute procédure, contactez le cabinet LEBEL AVOCATS au 03 20 27 43 43/secretariat@lebelavocats.fr
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