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Couple de même sexe et adoption forcée de l'enfant du conjoint

Le 27 mai 2024
Couple de même sexe et adoption forcée de l'enfant du conjoint
L'adoption forcée de l'enfant en l'absence de reconnaissance conjointe anticipée n'est pas subordonnée à la preuve de sa nécessité à la protection de l'enfant

La loi dite de bioéthique a introduit en droit français la "reconnaissance conjointe anticipée" qui permet au parent d'intention d'établir un lien de filiation sans passer par l'adoption.

Jusqu'a 4 août 2024, il est possible de "régulariser" la situation des enfants nés avant l'entrée en vigueur de la loi, par le biais de la "reconnaissance conjointe a posteriori", dont les modalités sont prévues par le IV de l'article 6 de la loi de bioéthique : 

 IV. - Lorsqu'un couple de femmes a eu recours à une assistance médicale à la procréation à l'étranger avant la publication de la présente loi, il peut faire, devant le notaire, une reconnaissance conjointe de l'enfant dont la filiation n'est établie qu'à l'égard de la femme qui a accouché. Cette reconnaissance établit la filiation à l'égard de l'autre femme.

La reconnaissance conjointe est inscrite en marge de l'acte de naissance de l'enfant sur instruction du procureur de la République, qui s'assure que les conditions prévues au premier alinéa du présent IV sont réunies. Le présent IV est applicable pour une durée de 3 ans à compter de la publication de la présente loi.
 

Cette reconnaissance conjointe a postériori suppose :

-          qu’une PMA ait été réalisée à l’étranger

-          l’établissement d’une reconnaissance conjointe par le notaire et l’accord des deux femmes. En revanche le consentement de l’enfant, même majeur, n’est pas requis.

Si le parent biologique refuse de consentir à la reconnaissance conjointe anticipée, la loi visant à réformer l’adoption, dite loi Limon, a prévu une disposition spécifique au profit de la femme qui n'a pas accouché mais qui a participé à un projet d'AMP à l'étranger avant l’adoption de la loi, et à qui le parent biologique refuse la procédure de régularisation prévue dans le cadre des dispositions transitoires.

Elle prévoit en effet en son article 9 un mécanisme d’adoption forcée.

C’est une disposition transitoire, à laquelle il ne pourra être recouru que dans les 3 ans de la loi :

"À titre exceptionnel, pour une durée de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, lorsque, sans motif légitime, la mère inscrite dans l’acte de naissance de l’enfant refuse la reconnaissance conjointe prévue au IV de l’article 6 de la loi n° 2021‑1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique, la femme qui n’a pas accouché peut demander à adopter l’enfant, sous réserve de rapporter la preuve du projet parental commun et de l’assistance médicale à la procréation réalisée à l’étranger avant la publication de la même loi, dans les conditions prévues par la loi étrangère, sans que puisse lui être opposée l’absence de lien conjugal ni la condition de durée d’accueil prévue au premier alinéa de l’article 345 du code civil. Le tribunal prononce l’adoption s’il estime que le refus de la reconnaissance conjointe est contraire à l’intérêt de l’enfant et si la protection de ce dernier l’exige. Il statue par une décision spécialement motivée. L’adoption entraîne les mêmes effets, droits et obligations qu’en matière d’adoption de l’enfant du conjoint, du partenaire d’un pacte civil de solidarité ou du concubin."

La mère sociale pourra dans ce contexte solliciter l'adoption de l'enfant, sans le consentement de la mère biologique, dès lors que cette dernière ne justifie pas d'un "motif légitime". Le Tribunal prononce l'adoption si le refus de la reconnaissance conjointe est contraire à l'intérêt de l'enfant et si la protection de ce dernier l'exige (conf. Lyon, 9 juin 2022, 21/09303 et Aj Famille, Marie Mesnil, Autant en emporte la PMA : enfin reconnues mères ! )

Cela suppose de démontrer un projet parental commun, une AMP à l’étranger, l’intérêt de l’enfant et le caractère illégitime de l’opposition du parent biologique à la reconnaissance conjointe a posteriori.

Attention toutefois, cette disposition est réservée aux femmes ayant eu recours à une PMA à l'étranger et ce, avant le 2 août 2021. L'action n'est donc ouverte que jusqu'au 1e août 2024 et n’est pas possible en cas de Procréation amicale ou artisanale.

Le 23 mai 2024 (22-20-.069), la Cour de Cassation est venue apporter des précisions quant à l'appréciation à laquelle doit se livrer le Tribunal pour prononcer l'adoption, le texte précisant que « Le tribunal prononce l’adoption s’il estime que le refus de la reconnaissance conjointe est contraire à l’intérêt de l’enfant et si la protection de ce dernier l’exige ».

Cette formule pose-t-elle une condition autonome tenant à l’exigence de protection de l’enfant, qui devrait-être caractérisée par le juge en sus de l'appréciation de son intérêt ?

Telle n'est pas la position de la Cour de Cassation, qui refuse d'ajouter à l'appréciation de l'intérêt de l'enfant la démonstration de la nécessité de la mesure d'adoption à sa protection. 

https://www.dalloz.fr/documentation/Document?id=CASS_LIEUVIDE_2024-05-23_2220069