https://www.franceinter.fr/emissions/grand-angle/grand-angle-05-mai-2016FRANCE INTER :
C'est un amendement qui arrive en catimini ... Alors que le projet de loi sur la justice est actuellement en examen à l'Assemblée, le garde des Sceaux a voulu y ajouter une nouvelle disposition : la possibilité de divorcer sans passer devant le juge en cas de consentement mutuel. Selon cette disposition (qui avait déjà été évoquée en 2014, du temps de Christiane Taubira), les époux qui s'entendent sur les modalités de leur divorce peuvent le faire, en présence de leurs avocats, en se rendant simplement chez un notaire. Mais le projet ne fait pas exactement l'unanimité.
Un protocole d'accord, un avocat pour chacun, un rendez-vous chez le notaire moyennant 50 euros ... et hop ! Voilà un divorce plié. De quoi, selon cet amendement, désengorger les tribunaux, réduire les délais d'attentes et les coûts au passage. Mais ce qui paraît simple ne l'est pas forcément dans la réalité, souligne Aurélie Lebel, avocate spécialisée en droit de la famille :
Divorce par consentement mutuel, ça ne veut pas dire divorce simple. En supprimant le recours au juge, nous on nous prive, en tant qu'avocats, d'un levier de négociation important. Quand des époux arrivent avec un accord, c'est jamais un accord équilibré, c'est toujours la loi du plus fort. Si moi je ne peux pas dire aux parties :" votre accord ne passera pas parce qu'il ne sera pas homologué par le juge", je n'ai aucun moyen. Et dans ce cas là, on me répond : "mais enfin Maître, puisqu'on est d'accord !"
Mais ce déséquilibre existe parfois déjà devant le juge, argumente de son côté l'Union syndicale des magistrats. Céline Parisot, secrétaire générale du syndicat :
Un époux pour parfaitement accepter de divorcer dans des conditions dans lesquelles il est perdant tout simplement parce qu'il a envie d'en terminer et ça, on ne peut pas empêcher les gens de le faire. C'est leur choix.
Quant à l'argument du désengorgement des tribunaux, il laisse aussi sceptiques les professionnels du secteur. Car si les divorces par consentement mutuel représentents la majorité des séparations, ils ne constituent pas la majorité du temps de travail des juges. Bien au contraire : une demi-journée d'audience tous les deux mois à Lille, une audience par semaine à Nanterre par exemple. Et certains craignent le risque d'un effet boomerang selon Catherine Menardais, juge des affaires familiales à Laval :
Certains divorces par consentement mutuel débouchent assez rapidement sur du contentieux. Donc ce risque existe déjà et je pense qu'il serait majoré dans l'hypothèse où aucun aucun juge ne viendrait à se pencher sur la convention des époux.
Aujourd'hui, ce sont quelques 70 000 divorces à l'amiable qui sont prononcés chaque année en France.
RMC :
Petite révolution dans le droit familial. Le ministre de la Justice a présenté mercredi un amendement mettant en place une procédure de divorce par consentement mutuel sans passage devant le juge des affaires familiales.
Un moment pénible à passer mais surtout très long. Même lorsque les époux sont d'accord sur leur divorce -70% des couples divorcent par consentement mutuel-, la procédure peut prendre des mois.
Pour Dounia, 34 ans, le divorce a pris 6 mois à se finaliser alors que le couple était d'accord sur tout: "Quand je suis arrivée au tribunal, ça a duré deux minutes, je me suis dit 'tout ça pour ça'. Tout ce que je voulais, c'est avoir mon document pour le présenter aux administrations donc après qu'il soit assigné par un juge ou par quelqu'un d'autre c'était pareil".
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Et c'est bien ce que veut mettre en place le ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas. Aujourd'hui, lors d'un consentement mutuel, une "convention" est écrite par les avocats des deux époux. Convention débattue ensuite devant un juge qui peut valider ou pas cet accord quand il estime que celui-ci ne préserve pas suffisamment les intérêts des enfants ou d'un époux. La convention est alors réécrite et redébattue.
Avec cette mesure, les époux et leurs avocats ne passeront plus devant le juge, mais devant le notaire. C'est lui qui enregistra (ou pas) la convention.
"Le rôle du notaire va se limiter à un rôle d'enregistrement"
Mais pour Aurélie Lebel, présidente de la commission famille du syndicat des Avocats de France, le conjoint le plus vulnérable pourrait être lésé:
"Le seul moyen dont je dispose pour faire entendre à Monsieur que l'accord est inacceptable et que Madame n'est pas en capacité de se rebeller, c'est de dire que l'accord ne passera pas devant le juge car celui-ci ne tolèrera jamais un accord qui ne respecte pas l'intérêt des parties. Ce qui n'est pas le rôle du notaire qui va se limiter à un rôle d'enregistrement. Dès l'instant où il n'y a plus de contrôle du juge, il n'y a plus de contrôle que la volonté des parties n'est pas contraire à leurs intérêts".