Exequatur et GPA : possible même en l'absence de lien biologique entre le parent d'intention et l'enfant, mais sans produire les effets d'une adoption
Arrêts du 2 octobre (22-20.883 et 23-50.002) et du 14 novembre 2024 (Première chambre civile – Pourvoi n°23-50-016)
En suite de la réforme de l'article 47, la transcription de l'acte d'état civil étranger sur les registres de l'état civil français n'est plus possible.
Reste, pour l'établir, l'adoption.
Comme le relève Rebecca LEGENDRE, les jugements étrangers rendus en matière d'état des personnes peuvent être transcrits indépendamment de toute déclaration d'exequatur. Cependant ils doivent être transcrits, ce qui n'est plus possible depuis la réforme de l'article 47. Par ailleurs la transcription n'est qu'une mesure de publicité, qui n'emporte pas de reconnaissance du lien de filiation.
C'est (notamment) pour contourner cette difficulté que la voie de l'exequatur, procédure judiciaire qui permet à la justice française d'autoriser l'exécution sur le territoire français d'un jugement étranger après en avoir apprécié la régularité, a été choisie par de nombreux parents d'intention.
Diverses décisions de première instance ont été rendues, en validant généralement le principe.
Pour autoriser l'exequatur, le juge français doit vérifier que la décision étrangère :
- A été rendue par une juridiction compétente
- N'est pas constitutive d'une fraude
- N'est pas contraire à l'ordre public international français procédural apprécié au regard des principes essentiels du droit français (dont la motivation des jugements...)
Ces contrôles doivent cependant rester limités car l'exéquatur ne doit pas permettre au juge de rejuger l'affaire.
La Cour de cassation se prononce pour la première fois sur l'exéquatur en matière de GPA et a considéré que :
- L'absence de lien biologique de l'enfant issu d'une GPA pratiquée à l'étranger avec son parent d'intention ne heurte aucun principe essentiel du droit français et ne fait donc pas obstacle à la reconnaissance du lien de filiation en France (conformément à la jurisprudence de la CEDH, la convention de GPA n'est pas en soi de nature à faire obstacle à la reconnaissance par la France du lien de filiation établi à l'étranger, tandis que le droit français admet l'existence de filiations qui ne sont pas conformes à la réalité biologique, en autorisant le recours à une PMA avec tiers donneurs ou la reconnaissance d'un enfant sans condition d'avoir un lien biologique avec lui).
- Cela n'empêche cependant pas le juge de vérifier l'absence de fraude et le consentement des parties à la convention de GPA, ce qui pose la question de la motivation de la décision soumise à exequatur, qui doit permettre de vérifier la qualité des personnes mentionnées à l'acte, leur consentement à la convention de GPA et aux effets de celle-ci. Ces vérifications sont fondées sur l'intérêt supérieur de l'enfant et le droit au respect de la vie privée. Il s'agit en réalité ici de vérifier que les GPA pratiquées à l'étranger ont été effectuées dans des conditions conformes à l'ordre public international français. Cela ne sera que si la motivation de la décision soumise à exequatur ne permet pas de réaliser ces vérifications et que les parties ne produisent aucun élément complémentaire, que l'exéquatur ne sera pas possible.
- Enfin, la filiation établie à l'étranger ne peut être assimilée en France à une adoption, la filiation devant être reconnue conformément à la spécificité de la filiation telle qu'elle résulte de la décision étrangère. Elle ne peut donc être reconnue en France qu'en tant que filiation d'intention telle qu'établie par la loi étrangère.